Nous quittons Yves et Irène à regrets. Depuis Pucòn, nous passons entre les volcans, direction la frontière argentine. Nous traversons des paysages presque familiers, semblables à ceux de nos Ardennes belges ou de la Suisse.

La direction du col induit le retour de routes en ripio. Et quel ripio ! Encore différent, il est composé d’un mélange de cailloux et de cendres (de lave, un peu comme du sable). Rouler nous demande une attention permanente. Le moindre coup de guidon fait glisser la roue avant et la fait dévier de sa trajectoire. Nous sommes aussi dépassés par des voitures, qui nous ensevelissent sous un nuage de poussière. Valérie peine dans une longue côte (14 km de ripio). Nous devons délester les vélos des sacoches, monter celles-ci à pied de quelques centaines de mètres, rechercher les vélos et les pousser jusqu’à l’endroit des sacoches, et recommencer. Finalement, n’en pouvant plus, nous interpellons une voiture et lui confions nos sacoches. Espérons qu’il les dépose au col et ne s’en empare pas ! Nous avons foi dans les bons côtés de la condition humaine. (Sinon, nous ne serions pas là !).

Et ouf, nous les retrouvons au col, où patiemment ils nous attendaient. Cela aura été l’occasion d’une nouvelle rencontre, avec des occupants de la voiture qui sont des mapuches. Nous échangeons sur leurs traditions culinaires, sous forme de papote au bord de la piste. Nous apprenons comment cuisiner les pignons des Araucaria (encore très présents dans cette région), cuisson accompagnée de l’harina tostada. Et nous goûtons des baies sauvages (les murta).

Valérie (me) confessera que cette montée avait provoqué des émotions diverses, auxquelles il lui avait été difficile de résister, ruminant sur les prochaines ascensions.

Après le passage de frontière, nous retrouvons côté argentin de bonnes conditions météo. Soleil, et un peu de vent. Celui-ci finit par forcir et il devient difficile d’avancer. Une fois, deux fois, trois fois, nous sommes plaqués au sol par le vent, qui souffle semble-t-il à plus de 80 km/h. Nous devons renoncer et dans l’urgence trouver un refuge, ce que nous faisons dans la première estancia rencontrée. Suliana et Raoul nous accueillent et nous ouvrent la porte d’une ancienne remise (4 murs en brique, et un toit, tout ce qu’il faut pour « planter » notre tente à l’abri du vent).

Le lendemain, la descente depuis le col, côté argentin, nous mène vers la mythique ruta 40. Nous l’avions déjà empruntée plus au sud, à plusieursreprises (à proximité du Glacier Perito Moreno, du Fitzroy ou encore San Carlos de Bariloche). Elle est un peu en Argentine ce qu’est la route 66 aux États-Unis. Elle s’étend sur près de 4000 km, de Rio Gallegos (extrême sud, province de Santa Cruz) à la frontière bolivienne (extrême nord, province de Jujuy). Et nous la rejoignons pour une portion assez désertique de 1200 km vers Mendoza. Le trafic y sera presque anecdotique, en comparaison avec la portion près de Bariloche.

A mon étonnement, une portion sera en ripio (ceci explique sans doute cela, l’absence de trafic). Et cette fois, il s’agit d’un mélange entre la cendre volcanique et les gallets déposés depuis des millénaires par le Rio Grande. Je boirai ce ripio jusqu’à la lie… Valérie avait eu son « coup de mou », j’aurai le mien durant ces 80 km enfériques. Les infos de l’app qui trace la route indiquaient 40 km, et découvrir qu’il y en avait le double m’a déstabilisé. Une journée ne ressemble jamais à une autre. Malgré le soleil présent, la beauté des paysages, je ne parviens pas à transcender la fatigue mentale qui s’est installée en début de journée. J’ai beau être accaparé par la route, toute mon attention focalisée sur celle-ci, donc être dans le moment présent (ne pas laisser les pensées se tourner ni vers le passé ni vers le futur), je suis épuisé par cette partie de la ruta 40.

Heureusement un rien – ou presque – peut renverser la situation. En milieu d’après-midi, nous voyons un panneau grossièrement peint indiquant une possibilité de logement. Il s’agit finalement d’une « cabaña » construite par notre hôte, Pedro. Juste 4 murs, et un toit (ni eau, ni électricité). Et quelle vue ! Selon notre hôte, nous faisons face au rio Grande et 123 volcans ! Même ici, la monoautomobile sévit. Car la cabaña est dotée d’un carport ! Quand donc la voiture cessera-t-elle de dominer notre cortex !

A propos de cortex, petite mise en pratique de notre désormais maxime: « Never scratch at night ». Après une bonne nuit, mon coup de mou est passé.

La suite de la ruta 40 après Bardas Blancas redevient pavée. Et nous retrouvons la longue ligne jaune. Elle est presque infinie, et le soleil donne à la route une impression de mirage. Des portions sont toutes droites et très désertiques. Le gps (assez inutile, avouons le) indique la prochaine courbe dans 100 km. La Cordillère des Andes nous tutoie maintenant en permanence au loin. Nous oscillons « en plaine » entre mille et deux mille mètres.

Nous nous laissons glisser vers le cœur du vignoble argentin, au sud de Mendoza.

Nous retrouvons des paysages (des platanes) et des habitudes (la sieste, et les commerces notamment de bouche, fermés entre 13h et 17h00) presque méditerranéens.

Cerise sur le gâteau, la région de Mendoza nous accueille avec d’importants tronçons de piste cyclable (plusieurs dizaines de kilomètres), qui longent la ruta 40 (devenue une autopista 2×2 bande sans accotement). Il s’agit peut-être de pistes cyclables aménagées spécialement pour les saisonniers dans les vignobles.

Ouf, un bon verre de Malbec nous attend. Et quelques bons restaurants. L’intendance des derniers jours – désertiques, où une centaine de kilomètres sépare deux hameaux sans épicerie – a réduit notre régime hydrique et alimentaire au minimum.

Nous avons décidé de modifier notre moyen de locomotion pour parcourir la prochaine portion de la ruta 40. Nous allons en effet prendre un bus jusqu’à Salta. Les vélos sont embarqués dans un autre bus mais doivent être emballés. Nous avons facilement trouvé des cartons dans un magasin de vélos. Nous les emportons donc à la gare des bus et les empaquèterons sur place.

3 Replies to “Ruta 40 jusqu’à Mendoza”

  1. Après toutes ces épreuves, bonheurs et coups de blouse, j’admire cette volonttde ne jamais rien laisser tomber. La vie en Belgique vous paraîtra tellement simple, voiy futile ! Gros gros bisous à tous les deux, on pense beaucoup à vous

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