Avant de débarquer à Punta Arenas, presque l’extrême pointe du Chili, à quelques encablures d’Ushuaia (jusqu’où nous ne descendrons pas), je (lire: Bertrand) n’avais pas vraiment d’idées de ce qu’est la Patagonie. J’avais bien conservé un vif souvenir du très émouvant roman d’Isabelle Autissier, « L’amant de Patagonie » (que je relis ici). Et sinon…
A notre arrivée, le décor est planté. La veille, le vent soufflait encore à plus de 140 km/h. Depuis Panama, où nous étions quelques jours auparavant, la température a chuté de 30 degrés C. La nature est monolithique. Cette impression de rigidité apparente est renforcée par les kilomètres de barrières presque impeccables qui bordent la route. Pourtant, tant les moutons que les nandous et surtout les guanacos les passent sans difficultés. Parfois la longue ligne droite semble sillonner au loin, sans que nous ne la visualisons, tellement les distances sont grandes.
Pour nous acclimater à la région, nous décidons de partir visiter les parcs du Torres del Paine, du Perito Moreno et du Fitzroy en auto. Quelle ironie, alors que pendant des mois, nous avons rêvé d’un monde sans voiture. Nous pensions qu’il n’était possible d’admirer les paysages que du point de vue cycliste (😉). Vu les étendues ici, même à la vitesse de la voiture, nous avons eu le temps de nous immerger dans ceux-ci.
Cette région des Magallanes, face au détroit de Magellan, et les parcs que nous avons visité, me font penser à une femme. Elle en a la beauté et le mystère. Elle ne se laisse pas facilement dévoilée, et chaque découverte est acquise de haute lutte (contre les éléments). Elle souffle le chaud et le froid, enfin, surtout, elle souffle, souffle, souffle… la lumière brille pourtant de mille feux (pas que de ceux que les anciens entretenaient en permanence, nécessaires à leur survie, et raison pour laquelle les navigateurs au large ont surnommé ces dédales de fjords et d’iles, la Terre de Feu). Les manchots de l’ile Magdalena montrent une tendresse de couple touchante.
Dans ces dédales atmosphériques, nous avons eu de la chance. Après quelques heures de marche, le Torres del Paine se dévoile en partie – en partie seulement – à nous. Il marque la frontière entre la fin des Andes (que nous allons donc remonter pas à pas – roue à roue 🤪) et le jeune massif qui porte son nom. Les glaciers qui bordent ces deux chaînes de montagne nous émeuvent tout autant, le Lago Grey, et bien sûr le glacier Perito Moreno, pointe du troisième plus grand réservoir d’eau douce du monde. Et une autre merveille s’offre aussi à nous, côté argentin, le massif du Fitzroy. Ici, afin de profiter pleinement, il faut du temps et de la patience. Inutile de lutter, il faut être résiliant et accepter les conditions. Et parfois avoir de la chance. Arrivés au sommet de l’ascension Los tres lagos, qui nous mène au pied du Fitzroy, le soleil et les nuages jouent à cache-cache, et le vent amène la neige. Nous ne sommes pourtant qu’à 1300 mètres, et sommes supposés être en été. Et subitement, lors de la descente, le soleil emporte la partie, jusqu’à son coucher. La vue sur le Fitzroy est tout simplement grandiose. Nous retiendrons qu’il ne faut pas lutter contre les conditions météo, que nous devons les accepter, prendre patience lorsqu’elles ne sont pas idéales et profiter un maximum de chaque ouverture.
Ces aller et retour entre le Chili et l’Argentine n’en sont qu’à leur début. En suivant la carte et en remontant vers le Nord, nous devrions passer très souvent la frontière entre ces deux pays. Nous commencerons par une remontée côté chilien, en suivant la Carretera australe jusqu’à Puerto Montt. Pour la suite, nous n’avons pas encore décidé quand exactement nous choisirons le Chili ou l’Argentine.
Après ces petites vacances en auto, il est temps de reprendre nos vélos. A Punta Arenas, nous avons remonté les vélos après les avoir emballés dans l’avion depuis Panama. Chance, il n’y avait presque pas de casse. Juste un boulon de la roue avant, qu’en fait nous avons cassé en démontant les vélos. Petit détour par un bike shop local, et l’attache de roue est comme neuve.
Nous nous lançons à l’assaut des 250 km qui séparent Punta Arenas de Puerto Natales, c’est un premier test « vent» grandeur nature. A nouveau, nous aurons de la chance (il en faut une bonne dose ici, cela tombe bien, nous en avons pris une grande quantité 😁). Le jour du départ, la force du vent a faibli. Nous parcourons une première centaine de kilomètres en Patagonie, vent de face, jusqu’à aboutir à Villa Telueche. Ce fut une journée bien fatigante mais le vent ne nous a pas déstabilisé. Ici, pas de camping, une habitante loue des chambres à la nuit. L’occasion de se rappeler que la vie peut être rude pour ces habitants et tellement chaleureuse aussi, contente de partager avec nous son quotidien. Lit, chauffage, douche chaude, pas d’eau potable. Et petites douceurs préparés avec amour. Le deuxième jour, le vent a forci. Nous roulerons 88 km, jusqu’à l’hotel Rubens (cela ne s’invente pas !). Par contre, d’hôtel, il n’a que le nom. Ne reste qu’un bar-restaurant. L’exploitant nous autorise toutefois à planter notre tente dans le jardin. Plus de lit, ni d’eau, ni de sanitaires. Et première nuit sous tente dans cette partie du monde, que la pluie saluera. Les 60 derniers kilomètres jusqu’à Puerto Natales seront plus calmes que les deux précédents jours. Le vent est tombé et a laissé la place au froid (3 degrés C le matin).
Puerto Natales est notre point de passage, où nous prenons un ferry qui nous emmène mille kilomètres plus au nord, en longeant les fjords chiliens. La Carretera australe en effet s’arrête, et sauf à porter les vélos et notre équipement sur plusieurs kilomètres, nous n’avons pas de vraie autre solution.
Ce petit, ou plutôt long, voyage en ferry fut une sacrée expérience. 56h de navigation cad 2 nuits, 2 jours et nne 3ème nuit avec une arrivée à 4h du matin à destination. Nous avions juste un fauteuil d’autobus comme place mais nous y trouvons notre place, nous faisons des rencontres, sortons sur le pont dès que les conditions météo le permettent et pouvons ainsi rencontrer 2 baleines de passage, une épave d’un bateau qui gît là depuis plus de 70 ans et qui est maintenant recouvert des végétation. Le paysage est rude mais somptueux, sans aucune trace humaine. Les journées sont rythmées par les appel pour aller manger, à heure précise, par ordre bien précis et rapidement s’il vous plaît 😉. Pas de réseau, les films Netflix téléchargés ont du bon. Lorsque vous mettez 130 personnes sans réseau et que lors d’une escale au bout de 30h, il y en a, il est amusant de voir toutes les têtes penchées sur leurs écrans.
Nous accostons dans le joli village de Caleta Tortel qui est particulier car pas de voiture ici, juste une multitude de passerelles et d’escaliers rejoignant les maisons. C’est bien joli à visiter à pied, moins évident avec nos vélos, remorques et panneaux solaires. Après une journée passée là à faire une magnifique balade autour du village, sous un soleil radieux, avec Dorsan et Ariane (amis des enfants, enfants d’amis) qui sont justement dans la région et avec qui nous avons pris rendez-vous, nous devons passer deux bonnes heures à gravir les nombreuses marches. Transport de nos vélos et remorques à dos d’homme.
C’est une nouvelle aventure qui commence, nous nous lançons sur la mythique Carretera Australe 1200km vers le nord, dont 360 Km de piste (ripio) pour commencer 😀.
Bonjour Valérie et Bertrand,
Je prend enfin le temps de lire vos récits. Cela fait rêver.
Je suis content d’apprendre que tout se passe bien.
Merci de partager votre aventure
Bonne continuation,
Bart
Merci de tout coeur pour vos partages, merci pour ce que vous vivez, offrez. C’est immense, j’aimerai sur chacune de vos phrases, en prendre la mesure, les paysages qu’elle contient, la force de vos coups de pédale, planter une tente dans des conditions plus rudes pourrait déjà s’écrire en un chapitre. Envie de m’arrêter dans vos mots pour sentir la densité de l’instant. Je ne peux que vous souhaitez l’accueil de tous ces instants, d’en être présent, d’en mesurer le précieux même si son intensité peut éprouver. Avec toute mon amitié. Je garde cette phrase en moi, quand on le fait pour un, on le fait pour tous, c’est ce que représente votre itinérance, je le sens que vous nous portez au monde en ces instants là. Gratitude.
wauw wauw wauw !
Quels paysages déroutants , on perçoit la difficulté de votre parcours pour les traverser.
Belles découvertes encore et toujours.
Nous pensons bien à vous
Isa et Antoine
Hoy hemos coincidido con vosotros en las curvas de la carretera de ripio que pasa por el Parque Queulat. Estaba nevando y os he hecho una foto desde mi coche (con calefacción ),he dicho que valientes. Acabo de leer todo vuestro viaje. Animo y suerte.
Hello Valérie et Bertrand,
C’est trop gai de vous lire … ou plutôt de « vous écouter raconter » (car je me fais accompagner par l’assistance de la lecture automatique)
De nombreuses photos sont époustouflantes de beauté.
Merci d’avoir la gentillesse de partager vos moments si précieux avec tous les membres de notre Association Familiale Hemptinne !!!
Bon voyage !
Michel (Pite)
L’aventure m’a l’aire rude, belle et sérieuse ! Voilà une nature qu’il va falloir respecter…je vous souhaite de rester bien soudé !