En quittant la zone des salars et afin rejoindre le parc national de Sajama, nous avions le choix entre 140 km de pistes sablonneuses ou 250km de route. Les pistes n’étant pas faciles en Bolivie, nous choisissons la route. Ce fut agréable de retrouver un macadam bien lisse. Il y a peu d’eau voitures particulières en Bolivie, le coût d’un véhicule étant trop élevé. La circulation se compose essentiellement de minibus (appelés truffis ici) et de camions. Nous apprécions aussi l’alternance de pistes et de routes car notre attention est différente. Ici, après tous ces paysages grandioses que nous avions traversés, un peu de calme sur la route, accompagné de quelques podcasts, nous ont permis une certaine introspection bien agréable.

La difficulté que nous avons rencontré est d’être entrés dans une zone très peu touristique. En outre, à ces altitudes (toujours entre 4000 et 4300 mètres), les nuits sont très froides, nous préférons donc loger dans du dur. Dans certains villages, il y a des logements; ils sont vraiment sommaires, pas toujours propres, pas isolés (-2°C, lors d’un petit déjeuner un matin dans notre chambre), peu ou pas d’eau chaude. Nous ne pouvons néanmoins rien exiger, nous vivons chez les habitants et ce sont leurs conditions de vie. De plus, il n’est pas très facile de se nourrir correctement, même si nous trouvons facilement le plat typique riz/poulet ou poulet/riz, agrémenté parfois de quelques pâtes ou d’une pomme de terre (pour quelques euros). Par contre, il est quasi impossible de trouver des fruits ou des légumes dans les magasins. Ceux- ci sont vendus par des marchands ambulants qui passent dans les villages. Nous sommes donc très heureux lorsque nous les rencontrons par hasard! Bertrand étonnera d’ailleurs le marchand lorsqu’un jour il lui demande d’où viennent ses kiwis. Le marchand qui n’avait visiblement jamais eu la question lui répond qu’ils viennent du Chili (comme tous ses autres fruits tout à coup 😉). Nous avons déjà rencontré au cours du voyage des conditions de logements très sommaires, lugubres, néanmoins, ici c’est la première fois que nous sentons que nous atteignons nos limites physiques et ceci ayant du coup un effet sur notre moral, les effets de l’altitude ainsi que le froid y sont certainement pour beaucoup. Nous connaîtrons des grandes phases de questionnement.

La plupart des visiteurs du parc de Sajama s’y rendent pour gravir un des sommets de plus de 6000 m. Le volcan Sajama est le point culminant de la Bolivie à 6320 mètres d’altitude; il y a aussi d’autres sommets dans ce parc. Ces sommets ne sont absolument pas dans nos objectifs. Nous nous rendons de plus compte que même dormir à 4300m est difficile pour nous. Nous souffrons du mal d’altitude. Certaines nuits s’assimilent plus à un combat permanent de lutte contre l’oppression que provoque le manque de souffle. Ces mauvaises nuits, et la difficulté de récupérer des efforts de la journée, renforcent la fatigue physique généralisée qui s’est installée.

Le parc naturel du Sajama est composé d’un altiplano arpenté par les lamas, et (pour la première fois pour nous), par les alpagas. Ces camélidés entourés de sommets enneigés dégagent un vrai magnétisme. Nous profitons aussi et nous prélassons dans des eaux thermales; nous nous essayons à la randonnée, afin d’admirer des lagunes, mais nous contenterons des premières à 4800m, n’ayant plus assez de souffle pour atteindre celles au-delà de 5000m. Anecdote, quelle plaisir de passer une frontière « illégalement » (sans poste frontière) entre la Bolivie et le Chili, à 5000 mètres d’altitude, et de revenir en fin de balade en Bolivie. Nous avions l’impression d’une grande liberté.

Après ce parc, notre objectif fut d’atteindre La Paz (qui, contrairement à ce que nous pensions, n’est pas la capitale, tout en étant le pôle d’attraction du pays). Cette ville a la particularité d’être située dans une vallée (cuvette), accessible entre autre par un magnifique réseau de téléphériques. Elle est entourée de plusieurs sommets montagneux, dont certains sont considérés sacrés.

Nous comprenons que la plupart des cyclistes descendent dans La Paz par une des lignes de téléphérique. Arrivés à El Alto, la ville périphérique qui surplombe La Paz et de laquelle partent plusieurs lignes, nous allons vérifier la station et nous rendons compte qu’il sera difficile pour nous d’y entrer chaque remorque avec les panneaux solaires et le vélo. Nous décidons donc de prendre la route des « nations unies ». Superbe descente qui fut très chargée en circulation (à nouveau, des « truffis » et des taxis) au point le plus haut et tout en bas, dans le centre ville (de joyeux concerts de klaxons); et heureusement par contre, la route sera désertique toute la descente entre ces 2 extrêmes. D’ailleurs, quelques jours plus tard, au sortir de La Paz, nous reprendrons la même route (évitant à la fois le trafic des autres artères, le stress de la vitesse de l’autopista, où les dénivelés trop importants).
Nous avons beaucoup apprécié cette ville. Amusant de constater qu’alors que nous aurions une propension naturelle à éviter les villes, nous y trouvons des ambiances alternatives aux campagnes traversées.
La Paz, par sa géographie, donne l’impression d’être tentaculaire. Chaque coin de colline a été urbanisé. Et même si les constructions semblent toutes assez simples, la plus part du temps en briques rouge, recouvertes de tôles ondulées, il n’y a pas ici à proprement parler de bidonvilles. Cet arrêt nous donne l’occasion de nous essayer à la cuisine traditionnelle bolivienne, délicieuse (qui nous change du poulet/riz).

Nous retrouvons aussi Michel, avec qui nous avions partagé la route dans le sud Lipez; avec lui, nous passerons quelques bons moments dans la ville, ou ses alentours. Il est ressourçant, voyageant depuis plusieurs années au gré de ses inspirations. Il semble avoir découvert la liberté, cette capacité simple d’avoir du pouvoir sur sa vie.

Sous plusieurs de ses aspects, la Bolivie nous aura certainement marqué. Les paysages y sont grandioses, et reflètent profondément la Pachamama. Avec un niveau de vie plus faible que ses voisins (Chili et Argentine, et à l’heure d’écrire ses lignes, Pérou), tout est ici une histoire de débrouille. Tout semble possible, ou en tous les cas rien ne semble impossible. Que dire de cet arrêt chez un marchand de châssis en aluminium, dont nous ressortirons une demi-heure plus tard, réparation des montants d’un support de panneaux solaires réalisée.
Les conditions de vie au quotidien restent toutefois très rudes. Les maisons, même si en durs, ne sont jamais isolées. Seul un simple vitrage protège un temps soit peu du froid. Elles ne sont pas équipées de systèmes de chauffage, et ont rarement l’eau chaude (voir l’eau courante). Paradoxalement, le dieu smartphone est très répandu, dans toutes les couches de population , et d’âge.

La nature est respectée; indispensable, elle est un allié au quotidien, sur dans les campagnes. Et en ville, le commerce informel prend le dessus. Il est fréquent de trouver des commerces de vente au détail… très détail (sucette à l’unité, briquets, etc).

La tradition reste très présente. Elle se manifeste évidemment par le mode vestimentaire (nombre femmes sont habillées de robes traditionnelles très colorées, coiffées d’un chapeau dont le modèle et la manière de le porter reflètent l’appartenance sociale). A La Paz, nous nous essayerons (sans vraiment les tester) à la rue des sorcières, et dans un autre quartier, à celle des chamans (brrr…).

Ces ambiances ancestrales et ce rapport à la terre nous auront fait succomber.

5 Replies to “Parc National de Sajama et La Paz”

  1. Vous êtes magnifiques dans vos doutes, vos remises en question, vos aspirations et vos bonheurs au gré de cette route qui semble toujours plus interminable. Oui la liberté, cette capacité simple d’avoir du pouvoir sur sa vie. Belle question à réfléchir pour nous tous! Je vous embrasse

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  2. Merci pour le récit et les belles photos. Les couleurs sont magnifiques! Vous êtes formidables et vous résistez à tout. Vivement vous revoir! Bisous

    1. Merci à Anne-Catherine et toi pour vos encouragements. Lorsque nous doutons, nous nous rappelons tous les messages reçus des uns et des autres, et ils nous nourrissent.

  3. Toujours aussi fabuleux, ces photos, ces personnes, ces paysages sont magnifiques ! Merci une fois encore pour ce beau récit.

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