Le début de notre périple le long de la côte Pacifique nous entraine à rouler sur la fameuse 101 (prononcer « one O one »). Le trafic est dense et le brouillard très présent, pas au point de rendre la conduite difficile; néanmoins, il nous empêche de profiter des nombreux points de vue sur la mer. De plus nous avons assez froid. Lorsque la brume se lève, des images superbes se présentent à nous et nous en profitons pleinement.

Nous utilisons l’application « Ride with gps » pour tracer notre route. Nous l’apprécions beaucoup car elle ne nous a quasi jamais fait de mauvaises surprises en nous emmenant sur des routes impraticables pour les cyclistes. Long de cette route 101, l’app nous propose, dès que possible, des routes alternatives, que nous prenons pour sortir un peu du trafic. Nous réalisons rapidement que celles-ci induisent un dénivelé encore plus importants que ceux de la 101 (déjà fameux! moyenne quotidienne de D+1000). Il faut donc choisir entre une route trop chargée ou des dénivelés épuisants . Nous choisirons souvent la première option.

La fatigue se fait en effet un peu sentir, et nous ne trouvons pas d’endroit qui nous inspire vraiment pour nous arrêter afin de nous reposer quelques jours.

Nous traversons pendant plusieurs jours de nombreuses forêts des séquoias géants. Une des routes porte d’ailleurs le nom de « avenue des Giants ». Ils sont majestueux. C’est tout simplement magique de pouvoir y rouler si longtemps et si doucement. Les arbres tombés sont presque aussi impressionnants que ceux debout. Le seul désavantage est le manque d’ensoleillement; l’ombre de ces géants fait chuter le rendement de nos panneaux solaires 🥲. Nous avons la chance de camper au milieu de ces forêts; un soir, nous serons seuls dans le camping, un autre jour, nous nous retrouverons avec 10 autres cyclistes sur le même emplacement. En effet, dans la plupart des campings, les cyclistes et les randonneurs sont placés ensembles, bien à l’écart des autres (sentons-nous si mauvais?), et pas spécialement aux meilleurs emplacements (probablement car nous payons moins cher). Nous voilà donc ce soir-là tous rassemblés, certains roulant en groupe pour quelques jours, d’autres seuls. Chacun prépare son couchage (juste un sac bivy ou une tente) puis son repas, que nous prenons ensemble autour de plusieurs feux. Moment idéal pour partager nos expériences, et se donner quelques conseils. Nous n’avions plus rencontré autant de cyclistes depuis que nous avions quitté la Great Divide. La côte Pacifique est en effet une destination fort prisée par les cyclistes. La plupart la parcoure du Nord au Sud, comme nous.

Les animaux domestiques semblent avoir une grande place dans la vie des nombreux américains. A tel point qu’à l’entrée des hôtels, juste sous le panneau « vacancy », il est noté « pets welcome ». Lorsque nous arrivons à un hôtel, la question qui suit celle de notre « last name » est d’ailleurs « Do you have pets? », souvent formulée par une personne qui, derrière son comptoir, ne lève même pas le tête. Comment un chien pourrait-il trouver sa place dans notre remorque ? Nous avons eu une seule fois une remarque amusante: arrivés dans un motel tenu par 2 adolescents (leurs parents devaient faire la sieste), le plus jeune d’entre eux nous fait une petite blague sur le fait qu’il imagine difficilement un animal perché sur nos panneaux.  Il ira loin ce petit…😂. Faute d’animal de compagnie à emmener dans notre chambre, nous continuons régulièrement à y emmener Dan et Roger. Nous devenons experts en Tetris et aménagement de chambre.

Les animaux sauvages sont aussi beaucoup plus présents que chez nous en Europe. Ecureuils, putois, biches dans tous les jardins. Nous avons rencontré notre premier raton-laveur dans un camping au bord de la mer. Ils ne sont pas farouches du tout et ont des doigts bien agiles; nous avions mis toute notre nourriture dans une boite fermée, prévue à cet effet et avec un mousqueton. Au pays des ours, il nous avait été bien dit de ne pas laisser dans les tentes les trousses de toilettes, crèmes et autres car ils sont aussi attirés par ces odeurs. Ici nous avons l’avions oublié. A peine endormis, nous entendons du bruit autour de la tente, Bertrand voit que le raton-laveur est en train de tirer un sac d’une sacoche (sous le auvent). Bertrand crie, la raton-laveur ne semble pas fort effrayé! Il parviendra à partir, d’un pas nonchalant avec quelques comprimés d’ibuprofen🥺.

Nous rencontrons de plus en plus de personnes vivants dans des campings-car très vétustes, rafistolés ou simplement dans une auto ne fonctionnant visiblement plus. Plus nous descendons vers le sud plus nous avons l’impression que le nombre de sans-abris est en augmentation constante. Nous sommes bien sûr touchés par le fait d’en rencontrer autant. Nous ne sommes pas bien fiers lorsque nos sentiments passent de la compassion à l’insécurité lorsque nous en voyons de nombreux d’entre eux avoir un vélo flambant neuf et même parfois plusieurs roues.  A la simple idée que Dan ou Roger finissent entre les mains d’un homeless, ils en tremblent de peur !

Dans les villes,  nous découvrons une règle de la circulation différente qu’en Europe. A de nombreux carrefours, il n’y a pas de route prioritaire mais bien des stops des 4 côtés. La règle est que le 1er arrivé peut repartir le 1er. Avouons qu’avec notre instinct de conducteur européen, nous pourrions avoir tendance à donner un petit coup d’accélérateur à l’arrivée d’un carrefour afin d’être le 1er… Cela ne se fait pas ici, la conduite est en général moins agressive. La règle pour les vélos au niveau de ces carrefours est un peu plus floue, il semble accepté que le vélo puisse passer parfois plus rapidement. Bertrand ayant une âme de défenseur des droits des cyclistes au quotidien profite pleinement de ce léger flou et s’engage rapidement dans les carrefours, je suis un peu plus hésitante, cela entraine parfois des divergences de vue dans notre équipage.

Au Nord de Sans Francisco, nous entrons dans la région des vignes. Osons avouer que nous succombons presque chaque soir à la divine bouteille. Nous retrouvons les cépages auxquels nous sommes familiers (merlot, cabernet sauvignon, chardonnay, même gewurztraminer); normal puisqu’après la crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle, ce sont les vignobles américains qui sont venus au secours du vignoble français. Et nous retrouvons aussi l’habitude de planter des rosiers à l’entame des pieds de vignes, ainsi que des routes bordées de quelques oliviers. Nous nous croirions presque à Bordeaux ou dans le Var (les pins aussi sont présents).

Nous nous mettons aussi tout doucement à l’espagnol, qui commence à concurrencer l’anglais., ainsi qu’à la cuisine mexicaine

Quelques jours d’arrêt à San Francisco nous ont fait le plus grand bien. Nous avons tout d’abord été accueillis par Sophie et Mano à Mill Valley, qui ont été aux petits soins avec nous, le temps de retrouver des références européennes. Cela nous a permis de découvrir l’art de vivre en famille en tant que français à San Francisco. Nous étions très heureux de retrouver une ambiance familiale.

Nous avons ensuite été accueillis par Alexandra et Al à South San Francisco. Couple Belgo-américain, qui nous ont aussi ouverts si gentiment leur porte ! Le brasage des cultures était au rendez-vous, Al nous a notamment partagé un peu mieux la culture américaine que nous la connaissions déjà. En clin d’oeil nous comprenons mieux l’attachement des américains à leurs voitures😉.

Nous en avons aussi bien sûr profité pour visiter la ville, le Golden Gate Park (et son superbe jardin botanique), les nombreuses collines et rues si en pente que nous étions bien heureux de ne pas y être à vélo. Nous avons préféré monter dans les anciens Cable cars afin de traverser une bonne partie de la ville sans être exténués. Nous avons aussi pris le Bart (métro) afin de traverser la baie vers Berkeley. Le temps d’une immersion dans la jeunesse étudiante (même si nous étions samedi, Telegraph avenue était animée) ; et le temps de profiter fugacement des 150 ans des alumni fêtés ce jour-là, au son d’une fanfare que John Lennon ne renierait  pas (la fanfare jouait les airs des Beatles).

La visite de San Francisco nous a fait passé un pas symbolique dans la modernité : nous avons téléchargé (et utilisé…) l’app Uber. Uber a été l’occasion de tester pour la première fois une Tesla, normal au pays d’Elon Musk où il en a à tous les coins de rue. Cela nous a fait plongé dans un environnement de modernité que nous n’avions plus côtoyé depuis le début de notre voyage. Nous conservons un sentiment mélangé face à un univers qui symbolise la croissance, là où nous rêvons non pas de décroissance, plutôt d’une autre croissance ( ?)

D’ailleurs, nous « votons » presque chaque jour en faveur de la transition; nous refusons d’acheter des Kellogs et de succomber à l’opulence industrielle; nous choisissons délibérément les Organic Grocery, qui se multiplient. Même si l’addition est probablement plus élevée, nous voulons par cette « manifestation » de comportement de consommateur marquer notre opposition et soutenir les initiatives locales en faveur du changement. Une toute petite pierre à l’édifice, qui nous permet de gérer notre éco-anxiété. Ce geste-là, et tous ceux que les nombreux podcats (notamment d’Exergie) que nous écoutons nous amènent à assimiler.

Après San Francsico, nous continuons sur la côte le long de la « One » (la One O One étant devenu trop dense, s’est muée/dédoublée en « One » ou sans doute l’inverse, la One a grandi, a été délaissée en One O One). Petite route sinueuse le long de la côte. Elle est aussi simplement magnifique. Le soleil est bien présent. Nous avons l’occasion de faire quelques haltes sur des plages (lorsqu’elles ne sont pas occupées par des otaries). La route est essentiellement utilisée par des touristes qui s’arrêtent à tous les points de vue, ils ont donc le temps et sont pour la plupart respectueux de nos … 3 roues.

2 Replies to “Côte pacifique jusqu’à San Francisco”

  1. Fantastique!
    Merci de nous partager cet incroyable périple!
    Et vous n’êtes pas que sportifs, vous avez aussi de vrais talents d’écrivains 🤩
    Que du bonheur de vous suivre ainsi.
    Take care, comme on dit chez vous

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